Un boulot de dingue

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Un boulot de dingue

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Avec ce rapport, fruit d'un travail mené depuis plusieurs années, le Secours Catholique et l'association AequitaZ veulent rendre visible tout le travail invisible et non rémunéré des personnes hors emploi et obtenir la reconnaissance que ces contributions sont utiles et vitales à la société.
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AequitaZ et le Secours catholique publient un rapport de mise au débat public, fruit de deux ans de recherche avec des personnes exclues du marché de l’emploi. Ce sont celles et ceux que l’on montre du doigt sans jamais prendre le temps de les entendre, alors même qu’ils et elles ont des questions essentielles à poser à la société et à notre système de protection sociale. Les députés entament prochainement l’examen du projet de loi “pour le plein emploi” comportant l’obligation pour les allocataires du RSA de réaliser au moins quinze heures d’activités par semaine, ce rapport entend jouer un rôle d’alerte : “Chacun est actif. Chacun contribue à sa façon. Il n’y a pas à le demander. Encore moins à l’obliger. Il faut surtout nous faire confiance, le reconnaître et nous apporter de la sécurité car notre société a besoin de ces contributions. Elles sont essentielles.”

Car la réalité est bien loin de l’éternel cliché de l’assisté ayant besoin d’être remobilisé. Il y a, dans le quotidien, de l’aide à un proche, un parent âgé ou à un enfant, régler de multiples problèmes administratifs, pour soi ou pour des proches, certaines s’engagent dans la vie du quartier, dans le voisinage, dans des associations. Tout le monde le sait au fond, on ne peut pas passer son temps à ne rien faire : « Ça n’est pas humain, c’est trop dur. »

Ce cliché est un poison, à la fois pour les personnes visées, qui le ressentent comme une injustice, mais aussi parce qu’il fonde toute une politique publique sur un postulat erroné : il faudrait « activer » des « inactifs ». Puisse ce rapport servir d’antidote, dans un contexte où le parlement s’apprête à examiner le projet de loi Plein Emploi qui vise notamment à aggraver la conditionnalité du RSA par l’obligation à réaliser 15 à 20h d’activités hebdomadaire et qui propose également de renforcer les sanctions sur les allocataires.

Ce rapport montre au contraire comment ces activités sont d’une part, vitales à la société, pour « qu’elle tienne » en quelque sorte. Toutes ces solidarités, ce prendre soin du quotidien, cette « somme de tout ce qu’il y a à faire » repose sur des femmes (beaucoup) et des hommes (aussi) qu’il est nécessaire de sécuriser dans leurs actes pour qu’ils puissent continuer de les réaliser. Ajouter de l’obligation à contribuer et de la contrainte dans des vies déjà « pleines » de milliards de choses vitales, c’est indigne, c’est irrespectueux, et c’est surtout inefficace.

De fait, il faut se rendre à l’évidence, l’emploi est aussi mis en question par ces réalités invisibilisées : élever un enfant handicapé, être en incapacité de travail, agir comme bénévole « à temps plein ». Tout cela existe et doit enfin compter pour de vrai aux yeux de notre société et de la protection sociale.

Ce rapport montre également que les personnes concernées par ce « hors emploi » sont loin d’être une petite minorité. Des millions de bénévoles, d’aidants, de femmes au foyer : nous parlons d’une part invisible de notre économie invisible et gratuite car non intégrée au marché du travail. Notre système de protection et de reconnaissance a fait de l’emploi son unique clé de voûte. De lui dépend l’essentiel des cotisations et des protections. Comme si le reste n’avait pas d’importance. Comme si les 40 milliards d’heures annuelles de travail domestique (au moins autant que le travail rémunéré) et les 680 000 équivalents temps plein que représente le travail des bénévoles ne comptaient pas.

La bonne nouvelle, c’est que des pistes existent, des dispositifs visent déjà à donner de la valeur et à sécuriser ce travail invisible. Que ce soit le statut d’aidant familial, de pompier volontaire ou la validation des acquis de l’expérience, ces dispositifs sont porteurs d’espoir et devraient servir de point d’appui pour penser de nouveaux droits. Ces pistes esquissent une voie à approfondir, à élargir.

  • Lire le rapport

  • Voir la présentation du rapport sur le site du Secours catholique, et l’interview de Sophie Rigard ici
  • Revoir le webinaire de présentation du rapport organisé par le Pacte du Pouvoir de Vivre
  • Nous contacter pour organiser une discussion, un débat, une présentation de ce travail en nous contactant ici : marion.ducasse[a]aequitaz.org

Ce rapport est soutenu par plusieurs organisations et collectifs : la CFDT, ATD Quart Monde, la Ligue des droits de l’Homme, Emmaüs, la Fédération des Centres sociaux, le Réseau des Accorderies, le Mouvement national des Chômeurs et précaires, le Mouvement français pour un revenu de base, le collectif Droit au revenu, le collectif Changer de Cap et l’association Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée.