Ce que l'histoire peut nous apprendre.
Ce que l'histoire peut nous apprendre.
D’abord, il nous semble impossible de comprendre notre régime de protection sociale sans son histoire.
Bien souvent, la protection sociale telle qu’elle est actuellement est recouverte de discours globalisants sur ses mécanismes (assurance vs assistance), sur ses ambitions (universelle, inclusive...), sur ses limites (dénonciation de son coût, critique de cotisations basées principalement sur le revenu du travail....). En regardant en détail l’histoire, on apprend à nuancer ces discours :
→ La protection sociale a des formes distinctes entre public, privé et entraide en fonction du temps et des territoires. Si on pense la protection comme un système de sécurisation des parcours de vie de chacun.
→ La protection sociale n’est pas la même en Alsace-Moselle réintégrée à la France en 1918 ou dans les territoires d’outre-mer que sur le reste du territoire métropolitain contrairement à un discours qui proclame l’unité de nos institutions républicaines.
→ La protection sociale ressemble plus à un empilement historique de dispositifs qu’à un système cohérent.
Cet empilement est lié, en partie, à une progression dans la réponse aux problématiques sociales : minimum vieillesse en 1956, assurance chômage en 1958, allocation adulte handicapé en 1975, allocation parent isolé en 1976, allocation solidarité spécifique en 1984, etc.
Cet empilement est aussi un résultat de compromis. Nous pourrions prendre l’exemple de notre système de soins médicaux, compromis entre une assurance sociale publique, un système de mutuelles existant avant l’instauration de la Sécu en 1945, une médecine libérale défendant ses intérêts….. (on le détaille un tout petit peu plus ici)
Impossible de comprendre cette intrication sans comprendre l’histoire de la protection sociale qui a donné naissance à ces compromis entre acteurs syndicaux, politiques, économiques, associatifs, civils, religieux…
La deuxième raison de faire ce détour par l’histoire, est qu’immergés dans le présent, nous avons du mal à discerner l’horizon et la manière dont la protection sociale pourrait être transformée.
Or, nous avons besoin de « rêver logique à même des courants de l’histoire » c’est-à-dire en retrouvant les possibles non accomplis, les bifurcations que l’on pourrait encore emprunter. Donnons quelques exemples.
→ Nous utilisons des catégories qui sont fossilisés dans nos institutions. Étudier l’histoire permet de retrouver des marges de manœuvre pour agir sur un état du réel face auquel nous nous trouvons. Par exemple de la distinction entre « actifs » et « inactifs » qui est une catégorie de l’INSEE qui a une influence immense sur le taux de chômage puisque les personnes considérées comme inactives ne sont pas comptées.
→ Nous imaginons parfois la protection sociale uniquement comme le produit des luttes sociales et des conquêtes du mouvement ouvrier. D’autres fois, elles sont perçues comme des décisions venant d’en haut, de la part de gouvernants tout-puissants alors qu’en étudiant l’histoire de la protection sociale, on apprend à découvrir comment des compromis entre acteurs ont pris des formes qui évoluent au cours de l’histoire : comment les hôpitaux gérés par les institutions religieuses, parfois espaces de soin et souvent lieux d’enfermement, deviennent au fil du temps des lieux de soins médicaux avant d’être nationalisés, transformés par une coalition de médecins et de hauts fonctionnaires de la santé puis être contestés par les usagers eux-mêmes ou par des fonctionnaires d’autres ministères (comme celui des Finances).
Les transformations contemporaines ont un impact majeur sur la protection sociale telle qu’elle existe aujourd’hui : le numérique permet un croisement des données fournies par les allocataires (simplification ? ) mais accroît aussi des phénomènes d’accès aux droits du fait de la fracture numérique, le cadre réglementaire européen régit la situation des ressortissants européens, mais accroît également la pression pour une uniformisation qui se fait souvent par le bas, les mouvements féministes font progresser la reconnaissance de droits visant à plus d’égalité (congé parental, remboursement de l’avortement et de la contraception, création de crèches publiques...), la pression des milieux patronaux et de hauts fonctionnaires à l’idéologie néolibérale diminue les ressources fiscales par la baisse des cotisations sociales, le vieillissement de la population transforme les problématiques de soutien et d’entraide familiale alors que des personnes âgées doivent en aider d’autres encore plus âgées, la précarisation du marché de l’emploi diminue les droits au chômage comme à la retraite, le plafond environnemental amène à envisager autrement la tension entre prévention et guérison...
Autant de nouveaux enjeux dont il est important de comprendre les ressorts au regard de l’histoire afin d’imaginer une protection sociale qui soit demain plus juste et plus douce !