L'alimentation dans nos vies

L'alimentation dans nos vies

Chapo
On ne peut pas parler d’alimentation sans prendre en compte le reste de nos vies. Nos parcours personnels, nos conditions de vie, nos relations sociales, notre revenu, la possibilité d’accès à l’alimentation sont des facteurs importants qui jouent fortement sur les contraintes et des choix alimentaires.

Au final, l'alimentation apparaît comme la variable d'ajustement. Quand ça va un peu mieux, on mange mieux, et sinon, on se serre la ceinture.
Corps

Ce que l’on vit en dehors de l’alimentation a une répercussion très forte sur l’alimentation.

La réflexion sur nos parcours alimentaires a permis de mettre en évidence les facteurs, autres que le revenu, qui jouaient sur la qualité de notre alimentation. Ainsi :

  • Nous ne mangeons pas toujours chez nous. L’offre alimentaire dans les lieux de restauration collective n’est pas toujours à la hauteur ( pension, cantines, resto U dans les vies étudiantes,...)
  • Les habitudes alimentaires se construisent dans les relations familiales.
  • Le stress, le burn-out, les situations de vie tendues ont un fort impact négatif sur notre alimentation. « On n’a plus envie de rien ».
  • On n’a pas toujours le temps disponible pour acheter et préparer une alimentation de qualité. Quand on travaille, on a plus de revenu pour acheter des aliments de qualité, mais on n’a pas forcément le temps pour cuisiner, pour faire ses courses dans les commerces de proximité.
  • Il y a aussi les questions de santé qui jouent sur l’alimentation. Cela peut devenir une source de stress importante quand on n’a pas de revenus suffisants, et qu’on doit jongler pour acheter ce qui est bon pour notre santé.
  • Enfin, nous avons remarqué combien la solitude était pesante et a des conséquences fortes sur la manière de s’alimenter. Il y a un gouffre énorme à manger seul ou avec d’autres. Le partage du repas fait partie du lien social comme lien de sens : on a une vie avec d’autres, « on existe » ensemble. Ainsi, Il y a un enjeu d’être avec d’autres avec qui on est bien . Le partage du repas fait partie du lien social comme lien de sens : on a une vie avec d’autres, « on existe » ensemble.

 

Les ressources financières comme variable essentielle.

Pour les personnes en situation de précarité, les ressources financières sont la première chose citée comme frein à l’accès à une alimentation de qualité. L’argent dont on dispose a un impact direct sur nos choix, sur notre possibilité de choix, ou pas. En découle un sentiment d'injustice.

La question des arbitrages sur les dépenses est importante : ce sont souvent d'autres postes de dépenses qui sont prioritaires, c'est à dire les dépenses pour lesquelles, au fond, on n’a aucune marge de manœuvre et aucune « alternative » (aussi peu engageante soit-elle, comme l'aide alimentaire par exemple). Ces dépenses contraintes sont :

  • Le loyer
  • les autres factures qui passent en premier : le chauffage et l’énergie, les assurances, les mutuelles, les assurances cercueil, les médicaments et la santé, des frais juridiques selon les situations, ….
  • les factures de communication (téléphone, internet pour joindre sa famille)
  • Le transport
  • L’énergie pour se chauffer.
  • L’énergie c’est aussi le gaz / électricité pour cuisiner. C’est un poste de dépense souvent oublié, mais qui pèse fortement sur les choix alimentaires : acheter des produits frais, cela veut dire aussi dépenser de l’énergie pour les cuire. Le choix se porte parfois sur une boite de ratatouille ou un poulet déjà cuit afin de limiter la dépense d'énergie.

 

L’endroit où on vit : notre « paysage alimentaire ».

L’endroit où on vit joue aussi sur nos stratégies alimentaires. En fonction de nos territoires et de nos lieux d'habitation sur ces territoires, nous avons accès, ou pas, à une variété de commerces qui permet de faire des choix . La question des déplacements est à considérer en « maille fine » : on ajuste les stratégies de courses pour optimiser au maximum les déplacements et les dépenses en déplacement.

Dans les stratégies d’achat, le fait d’acheter des gros volumes ou de pouvoir profiter des promotions est souvent cité par les participants. Le fait d’avoir un grand congélateur ou d'avoir de la place pour ranger est ce qui permet ou non la mise en place de cette stratégie.

Enfin, il y a l’accès à un jardin. Tout le monde n’en a pas la possibilité. Certains ont pu en profiter à d’autres moments de leur vie, pendant leur enfance par exemple. Que ces jardins soient individuels ou collectifs, avec des volumes significatifs ou symboliques c’est un accès à des produits frais, de qualité. Quand cette possibilité existe, c’est présenté comme un élément essentiel pour une alimentation de qualité.


Des stratégies alimentaires fines, en système débrouille.

Quand on n’a pas beaucoup de revenu, on est obligés de mettre en place des stratégies d’achat pour tenir jusqu’à la fin du mois. C’est une attention permanente pour « optimiser » son budget, une charge mentale importante et une question face à laquelle on se sent souvent bien « seuls ». Cette précarité alimentaire rend difficile de se projeter à moyen terme et renforce l'insécurité de celles et ceux qui y sont confrontés.

Les stratégies citées sont nombreuses et révélatrices de grandes capacités de gestion de budget, mais aussi de repérage du « système D » possible pour s'alimenter malgré tout, et parfois éviter l'aide alimentaire vécue comme un « dernier recours ».
Parmi ces stratégies, nous avons :

  • La chasse aux promos (et, avec elle, la question de la place et du congélo pour les promos)
  • Le choix des magasins : les épiceries solidaires et les magasins discount sont les types de magasins privilégiés.
  • Le suivi des dépenses au plus près.
  • Le glanage et autres modes de récupération (fin de marché, surplus de production, produits en fin de vie ou non-calibrés pour le marché...)
  • L’aide alimentaire. Une bonne partie des participants a recours à l'aide alimentaire comme « dernier recours », et certains de façon plus fréquente. Certains pointent des produits peu adaptés aux situations des personnes.

      
En conclusion : l’alimentation, variable d'ajustement.

Au final, on pourrait dire que, sur l’alimentation, « bon an mal an », on s’en débrouille…. Comparativement à d’autres champs dans lesquels on ne s’en sort pas, et aux dépenses contraintes sur lesquelles on n’a aucune marge de manœuvre.

L'alimentation apparaît comme la variable d'ajustement. Quand ça va un peu mieux, on mange mieux, et sinon, on se serre la ceinture.

Pour les participants ce sont toujours les autres postes de dépenses qui sont jugés prioritaires. Au niveau alimentaire, c’est aussi cette idée de sortir d’un carcan et d’une vie très contrainte qui prime. Une augmentation du budget permettrait de monter un peu en gamme, en produits frais. Mais ce qui ressort surtout, c’est la possibilité de diminuer le stress de la débrouille permanente pour tenir dans son budget.

Enfin, il est important de noter que des changements dans les modes d’alimentation se heurtent à la difficulté de changement des habitudes. On peut aussi imaginer que, sans savoir si on va vraiment réussir à s’en sortir, il est prudent de garder des « habitudes », de ne pas perdre les circuits de débrouille qui permettent aujourd'hui de  manger « bon an mal an »...