Changer de perspective : activités utiles et vitales
Changer de perspective : activités utiles et vitales
De cette analyse, nous tirons un enseignement majeur : il nous faut préserver et sécuriser les activités utiles et vitales, qu’elles soient hors ou dans l’emploi.
C’est une invitation à changer de perspective, à analyser toute activité (qu’elle soit en emploi ou hors-emploi) sous trois prismes :
- celui de la rémunération (est-elle payée?),
- celui de l’utilité (à quoi sert-elle?),
- celui du choix (est-elle librement choisie?).
(pour plus de détails, et les exemples de vie rapportés lors du Carrefour de savoirs, voir le rapport "Un boulot de dingue")
L’enjeu de la rémunération.
Une même activité peut être réalisée dans un cadre rémunéré, ou dans un cadre d’entraide ou de bénévolat.
Aujourd’hui, seules les activités conduites dans la sphère marchande - ou celle de l'économie publique - donnent lieu à rémunération, et sont donc visibles et reconnues par ce biais. Si on réalise l’activité gratuitement, celle-ci est moins visible, et on est “déconsidéré”. Nous sommes finalement habitués à voir ces différences dans notre vie quotidienne, sans même plus les interroger.
En regardant ces activités à partir des lunettes de ceux qui sont dans le “hors-emploi” et dans la précarité, et qui aspirent parfois à changer de statut, à avoir un salaire, à gagner une retraite, à avoir davantage de reconnaissance tout en continuant d’exercer cette activité, il y a une forme d’absurdité et d’injustice à avoir créé des telles inégalités de reconnaissance entre ces différents statuts.
L'enjeu de l'utilité
Quand on regarde les activités sous le prisme de l'utilité, les frontières entre activités (utiles / non-utiles) ne sont pas les mêmes que celles de la rémunération. Dans le champ du travail emploi comme dans celui des contributions hors-emploi, on trouve des activités utiles et vitales et des activités mortifères et nuisibles. Cette distinction nous invite à interroger le périmètre des activités à développer (hors emploi et dans l’emploi) et celles à arrêter (hors emploi et dans l’emploi). C’est le sens du carré hachuré.
Nous pouvons prendre l'exemple de la période de la pandémie Covid : pendant les deux années ponctuées de périodes de confinement, on a pu mieux voir et cerner des initiatives, des solidarités, des pratiques de soutien, par chacun autour de nous, et dont personne ne pouvait se passer. Mais le Covid a également mis en évidence les métiers essentiels, les « premiers de corvée », ceux qui n’ont pas pu s’arrêter lors des confinements. Pour autant, dans nos sociétés, ces métiers sont les plus dévalorisés. Le caractère essentiel et vital de ces activités est à l’inverse de l’échelle de l’utilité « économique » mesurée par le fait de donner droit à une rémunération.
Nous pourrions aussi prendre l'exemple de l'écologie : le soubassement de ce à quoi la société donne de la valeur (économique) est faussé, et ne tient pas compte des coûts de destruction de la planète et de préservation des habitats. On donne beaucoup de valeur à des choses qui nous détruisent et détruisent la planète.
L’enjeu du choix
Si on regarde maintenant les activités sous l’angle de la possibilité de choix, les frontières changent à nouveau.
Les activités que nous développons hors travail rémunéré portent très souvent une intention et une façon de faire différentes de celles à l’oeuvre dans l’emploi. Le bénévolat par exemple est avant tout un espace de liberté. Mais d'autres activités "hors-emploi" sont réalisées par contrainte : “on n’a pas le choix, on doit le faire, on ne peut faire autrement”. Par ailleurs, choisir d’exercer une activité dans le “hors-emploi” suppose que ce choix ne soit pas pénalisant in fine pour la personne, notamment dans l’accès ou le maintien de ses droits : revenu, retraite….
Du coté de l'emploi, il y a aussi des activités choisies, correspondant aux engagements, aspirations et valeurs de ceux qui les exercent. Mais pour d'autres, c’est le lien de subordination qui prime et l’emploi est vu comme une contrainte. Quand on est en situation précaire, au chômage, on est sommé d’accepter tout emploi, même si les conditions de travail sont lourdes, même si cela ne correspond pas à nos aspirations ou s’il n’y a aucune réflexion sur l’impact social et environnemental des tâches.